Si écrire c’est mettre la langue en travail, qu’est ce que l’imaginaire ? Quelles références théoriques ont travaillé le secteur écriture du GFEN ?
Dominique Grandière (Lire l’article « Evaluer l’écriture ? Quel gaga ! Disoons… l’évoluer » )
Tout écrit n’est pas de l’écriture. Si écrire c’est partir à la recherche de sens inconnus, l’écriture est ce qui manifeste la trace de cette bousculade de l’ordre symbolique. Il n’existe pas de moyen technique de reconnaître cette trace. Le seul moyen, c’est le lecteur impliqué jusqu’au cou pour ce qui est du temps de l’atelier, parce qu’il est lui-même en train d’écrire. (in « l’atelier d’écriture, le pouvoir d’écrire », 1993)
Michel Ducom (Lire l’article « L’animateur d’atelier d’écriture doit s’assumer créateur » )
Un des objectifs des ateliers du GFEN est de mettre en jeu l’imaginaire des gens, au sens où l’imaginaire c’est du symbolique perturbé par du réel. […]
Pour moi, le réel c’est ce qui échappe à l’homme, à sa pensée, à son langage, à sa théorisation. Le réel est donc objet de théorisations, mais aucune d’elle n’arrive à rendre compte de tous les mouvements du réel, ce qui oblige à inventer de nouvelles théories à partir des failles des théories précédentes. […] Pour simplifier ou pour compliquer, réel et inconscient sont sans doute le même concept pour des positions d’observateur différentes : l’une est celle de l’espèce humaine pensante, l’autre est celle du sujet engagé. Il est bien entendu que la notion de réalité, sur laquelle nous pouvons avoir mille prises n’est pas superposable à celle de réel qui lui, nous échappe définitivement, et que nous ne pouvons rencontrer que dans la perte totale du symbolique, quelque chose comme la jouissance, la folie ou la mort.
La réalité n’est pas réductible au réel : la réalité c’est le symbolique, l’ensemble des signes et des langages, des rôles et des fonctions, mais aussi tout ce qui perturbe ce bel ordonnancement : les rêves ou les utopies, les lapsus ou les actes manqués, les mythes auxquels on ne pense pas assez aujourd’hui, les pratiques sociales et culturelles lorsqu’elles sont apparemment illogiques, l’art, l’intuition, l’oubli et la mémoire sélective…[…]
Mettre en jeu l’imaginaire des gens c’est donc perturber… Pourtant il faut défendre l’écriture plaisir ou jubilation et je dis : « attention aux gens ! ». Il est évident que cette perturbation qui est un mouvement de réorganisation des résistances du sujet, de ses habituelles façons de penser ou de se protéger, doit être mise en jeu avec prudence. Il ne s’agit pas de faire perdre pied aux participants. Il s’agit de leur faire fréquenter un rapport de maîtrise/non maîtrise dans la langue écrite qui leur fait inventer de nouvelles façons d’écrire.
Michel Ducom (Lire l’article « De l’imaginaire et du rêve » )
L’imaginaire c’est un mouvement : celui du surgissement du réel dans le symbolique. […] C’est parce que le réel surgit dans les actes des hommes que toute l’aventure humaine se constitue pour s’en défendre par une socialisation, réponse de l’espèce au réel. Cette socialisation-l’ensemble des rapports sociaux- se cristallise dans le symbolique. (in « l’atelier d’écriture, le pouvoir d’écrire », 1993)
Pierre Collin (Lire l’article « Etudier la langue c’est étudier l’homme » )
L’ordre symbolique agit comme un régulateur. L’imaginaire c’est ce qui permet d’aller au-delà de la langue, tirant et revitalisant la pensée. La pensée n’est qu’une »image » du symbolique (une sorte de photographie, cela permet d’avoir accès, mais cela simplifie). Ce fonctionnement de l’imaginaire, démultipliant le pouvoir du symbolique, c’est ce qui est le plus opératoire pour l’homme. « Nous somme par essence dans le symbolique », dit Octavio Paz. L’imaginaire déséquilibre le symbolique et porte au-delà de la langue : on entre sur »l’autre scène du symbolique », l’endroit où elle est, la langue, le lieu du risque. »Il n’y a pas de langue heureuse » dit Aragon. La pensée est comme un flash du symbolique, qui, transformé ensuite en quelque chose de discible, est alors déjà un peu aliéné. […]
Ce qu’il faut c’est travailler sur des productions de sens : la rature, l’erreur, tout ce qui est dû aux retournements de l’imaginaire. Il nous faut inventer d’autres emplois de la parole. Une révolution de l’oralité reste à faire. (in « l’atelier d’écriture, le pouvoir d’écrire », 1993)
Dominique Barberet (Lire l’article « Journées de Toulouse, novembre 2000 » )
Le symbolique est le filet qui permet d’attraper sans se faire mordre et sans se faire prendre par les représentants de la loi les bêtes dangereuses de l’imaginaire; il est aussi ce qui permet de les accommoder pour les rendre comestibles et pour les manger ensemble. Cette consommation est possible si on admet que le symbolique est en même temps notre pièce d’identité et notre monnaie d’échange.
J’affirme que toute pratique d’atelier d’écriture (d’écriture?) qui ne se donne pas cette pêche pour moteur (et non pas pour objectif) est une pratique élitiste, parce qu’elle tend à réduire l’activité symbolique à ses normes sociales et savantes.
Michel Cosem (Lire l’article « Pour une culture de l’imaginaire« )
On ne peut séparer le réel de l’imaginaire, chez l’enfant en particulier. L’imaginaire est une composante de sa réalité et il s’agit non de la détruire mais de l’augmenter.